La cité interdite en Chine véritable sanctuaire touristique

Difficile de faire l’impasse sur une visite de la cité interdite lors que l’on se rend à Pékin, en Chine. Ce site est un haut-lieu du tourisme local pékinois et fait la fierté des chinois.

République populaire de Chine et les réussites économiques des trente dernières années, le gouvernement commandait l’élévation d’un nouveau monument. La société Sun-Groupe, chinoise mais basée à Neuchâtel car les chinois aiment des suisses cette minutie toute horlogère dans les domaines de la comptabilité, est alors mandatée pour ruiner la majesté du site. En 2009 les deux plus grands écrans LED au monde sont montés sur la place. Pour un coût d’entretient de 5000 euros par jour, les deux panneaux géants diffusent de la réclame touristico-patriotique.

Aujourd’hui, des 40 hectares, un quart demeure public. Le reste, délimité par un cordon de sécurité n’est plus qu’un couloir de l’accès du métro à la grande Porte. La première fois qu’on l’a parcouru, je pensais qu’il s’agissait juste d’un large trottoir.

 

 

A l’entrée du site, se faisant face de chaque coté de l’avenue, les portraits de Sun Yat-Sen premier président de la république de Chine de 1912, et celui de Mao Zedong avec pour cadre la porte Tian’anmen, discutent Histoire et dépendances. Tous deux, ont acquis à leur époque un droit sur les lieux.

Dans les premières années de la république  au début du 20e siècle, le pouvoir marqua une rupture  en déplaçant la capitale vers Nankin, mais c’est ici que Sun Yat-Sen mit l’empire à genoux. Le 12 Janvier 1912 à Tian’anmen, Aisin Gioro Puyi dernier empereur Qing abdiqua publiquement.

Le 31 Janvier 1949, Mao y annonce la création de la République populaire de Chine et y rétablit la capitale. Il renoue avec le faste et la symbolique impériale, en l’amplifiant. Il donne à la place ses proportions pharaoniques, dans la décennie qui suit, les grands monuments et bâtiments communistes sont mis en chantier.

 

Nous passons la « porte de la paix céleste », sous les regards croisés de ces deux monstres historiques. La sécurité en uniforme jauge la masse bigarrée, le regard sévère. La théorie des touristes forme un joyeux bordel, ils se pressent nombreux au 4e poste de fouille. Des occidentaux, des indiens, des asiatiques – surtout des chinois vont en tous sens. Un quart peut-être de ces derniers sont des vendeurs ou des guides. Bruno va chercher les tickets d’entrée, on l’attend près de la porte Wumen.

 

Tout autour un rempart ferme l’espace, des murs nus, rouges, sans aucun ornement se dressent à quinze ou vingt mètres de hauteur. L’appareil lisse ne trahit aucune crainte, n’exprime aucune menace. Sa fonction n’est pas militaire, c’est de séparer le ciel et la terre. Au sommet, des colonnades, des toits courbes, aux acrotères raffinés… je suppose. D’en bas c’est difficile à dire.

 

C’est hideux ces murs vides, l’ensemble est totalement disproportionné, mais c’est fort. Il y a là une symbolique de la puissance que nous ne savons plus décrypter. Dans nos démocraties libérales, le fric occulte le pouvoir, la médiatisation remplace l’éducation et la consommation passe pour la liberté… Pour nous français, la muraille est tombée avec la bastille, pourtant elle demeure, hors de la vue. Le monde de l’argent dispense à la foule qui grouille en bas ses plaisirs grossiers, le pain et les jeux. Au Vietnam à Hue, dans l’enceinte de l’ancienne cité impériale, les vietnamiens terminent leurs projets immobiliers appart/piscine/tennis. Ici, dans la première cour de la cité, pour quelque évènement sportif ont été édifiés des terrains de basket. Que se passe-t-il à l’étage, dans les sphères du pouvoir, dans le for de nos dignitaires ? Je ne le sais pas plus que le péquin de l’empire ne se projetait dans l’empereur, il n’y a pas contact.

 

Nous pénétrons pourtant dans cet autre monde, Dorgi hoton en mandchou, la ville intérieure. D’une main Bruno pousse la poussette, un peu dandy anglais, en sweat rouge et rayban. Nous descendons une longue volée de marches pour nous retrouver dans le dernier espace public de la cité. La place devant les gradins de la salle Taihe a été conçue pour accueillir 90000 élus lors des allocutions impériales. L’ampleur de la construction fait encore de l’effet, mais on se rend vite compte que le lieu a déjà beaucoup servi. Le pavé dramatiquement délabré rend l’âme, la bâtisse principale en travaux ne montre que le bandage vert des restaurations, ruinant la pompe du tableau. Souvent les musées me font cet effet de cimetière sous respiration artificielle. La cohue généralement indifférente, se rue sur les carcasses et mitraillant en tous sens, se répand partout.

 

En octobre dernier, pendant la Semaine d’or, période de congés suivant la fête nationale, le gouvernement offrait la gratuité d’accès aux autoroutes, afin que les classes consommatrices émergentes puissent librement se ruiner dans les sites touristiques. Le journal du peuple parle de 6 millions de visiteurs par jours recensés sur une centaine de sites évalués. La cité impériale a connu des pointes à 200 000 personnes par jour mettant à l’épreuve l’infrastructure. 90 millions de personnes ont pris la route, générant des bouchons sans précédent. Bien heureusement à Pékin, la commission des éboueurs avait augmenté ses effectifs. Les 7 tonnes journalières de déchets abandonnés sur la place Tian’anmen furent évacués efficacement. Ça fout les jetons.

 

 

Nous essayons de passer notre chemin, d’échapper à la frénésie photomane de la meute, mais personne n’en sortira indemne. Nous tombons à chaque pas sous l’objectif des paparazzis chinois, ravis d’ajouter un occidental à leur safari photo. Ça ne semble pas déranger Soren. D’humeur à jouer la star, il donne tout un show d’arts martiaux. Il prend la pose pour les photographes assemblés, mais quand un jeune chinois s’invite dans le cadre, il montre un peu les dents. La compagnie d’une petite star chinoise le laisse par contre assez perplexe.

 

 

Difficile de le faire sortir de sa séance de shoot mais nous devons terminer la visite. Coté nord, la cité offre ce qu’elle a de plus agréable. Dans les lieux de vie, les espaces plus modestes prennent des dimensions humaines. Les toitures, les détails décoratifs, les statuettes, c’est dans de petites choses que la beauté se révèle. Le jardin impérial aussi est superbe, véritable petit aquarium à l’échelle de l’homme empereur. Le minimum de verdure nécessaire à la vie, impeccable pour la drague de l’automne au printemps, en attendant de rejoindre le palais d’été, quand venaient les chaleurs.

 

source: planete-pekin.fr

Catégories : Asie

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