La Chine, l’atelier du monde et poumon économique d’Asie
La Chine est l’atelier du monde, on l’a assez entendu. Même à Pékin, c’est une running joke assez courue parmi les chinois. Ici, bat le cœur informatique de la planète. Tous les grands constructeurs informatiques passent dans leur chaine d’approvisionnement par Foxconn, une société Taïwanaise dont les plus gros sites sont implantés à Shenzhen, dans le Guangdong.
Pékin n’est pour autant pas le meilleur endroit pour se fournir en électronique. Hormis à Hong-Kong, les prix sont plus élevés en Chine qu’en Europe. Ce n’est pas une autre arnaque, mais la conséquence d’une situation économique globale. Pour les occidentaux sur place, il faut savoir faire avec. Pour les Chinois, quel est le prix de la réussite ?
Le faible cout de la main d’œuvre est pour quelque chose dans le succès chinois, mais ce n’est déjà plus le facteur déterminant. Sa flexibilité absolue en cas de krush pèse d’avantage dans la balance – les employés pouvant éventuellement être appelés à faire des heures sup au milieu de la nuit, après leurs 12 heures syndicales. La diligence des structures à pouvoir recruter en masse en un temps record est un autre point fort. Lorsqu’Apple a besoin de 9000 ingénieurs pour encadrer les 200 000 employés qui montent l’Iphone, une société comme Foxconn répond en 15 jours. 10 000 petits chinois déménagent pour les dortoirs de Foxconn city. Aux États-Unis, il faudrait 9 mois.
Enfin, il n’existe qu’en Chine d’écosystèmes de production de cette ampleur, assez vastes et complets pour assumer d’un bout à l’autre la chaine de montage, et assez ramassés dans l’espace pour le faire aussi vite.
Des matériaux et certains composants cependant, sont importés d’Allemagne, de Corée, de Taïwan ou du Japon. Pour stimuler l’économie et l’emploi, le gouvernement injecte ses Yuans sous la forme de rabais à l’import pour ces matières. Les produits manufacturés en Chine sortant aussitôt du pays sont ensuite ré-importés pour y être vendus, et subissent à la douane les taxes d’import. Tant de subsides investis, reviennent à autant d’augmentation sur le prix final. Les aides du gouvernement sont en bout de chaine payées par le consommateur. En outre, le réseau et la logistique de distribution étant encore assez peu développés, les coûts d’acheminement peuvent s’élever jusqu’à 40% du prix de l’article en boutique. Les produits officiels vendus en Chine sont donc en général plus cher qu’ailleurs.
Les derniers gadgets qui se la pètent coutent la peau des fesses, mais ce n’est pas la Chine qui se gave. Sur les 33 dollars que coutait un Ipad première génération, le cout du travail chinois en représentait 8. A ce prix dérisoire, et proportionnellement à la marge du constructeur – la tablette vendue 500 dollars, on peut mesurer que les grandes marques occidentales tiennent toujours le jeu.
Face à ce quasi-monopole, les productions chinoises à l’export se montrent assez timides. Bien que tous les produits technologiques de dernières générations soient fabriqués en Chine, on préférera acheter une marque bien de chez nous une fortune, plutôt qu’une machine équivalente bon marché estampillée Chine. Certaines marques locales essaient de faire la différence, de se créer une identité, avec peu de résultats pour l’instant. Qui a entendu parler de Tronsmart avec son Prometheus ou de Minix et de son Neo X7 ? Et qui voudrait les acheter sachant que ce sont des produits chinois ? Les machines chinoises sont victimes d’un à priori idiot… mais pas que. elles sont souvent de moins bonne qualité, et pour cause :
A l’international, le boulevard très select des machines grand public de luxe leur étant interdit pour délit de faciès, les chinois se rabattent sur le low-cost. Cela colle mieux à l’idée que se font les occidentaux des produits à peau jaune, entretenue par la position anti-chinoise de nos médias. Le jeu de la concurrence a forcé toute l’industrie à délocaliser ou à sous-traiter en Chine, c’est une situation sans retour. Tout ce que nous achetons est produit ici, si de surcroit nous achetions des produits chinois, ce serait la fin. A ce jour, Le low-cost est le seul couloir de vente que peuvent se permettre les constructeurs locaux qui visent les marchés extérieurs.
En Chine, le rapport de force est à peu près le même, les machines haut de gamme des constructeurs occidentaux, japonais ou coréens tiennent le haut du pavé, et dictent la loi. Les productions du cru destinées au marché intérieur tapent encore dans le low-cost, et le phénomène est aggravé par la violence capitaliste de la zone hyper-libérale du sud-est chinois. Un ordi sera moche, faiblard et encombrant, et produit en petites quantités parce que remplacé par le modèle suivant en moins de deux mois.
Une société comme Apple ayant le pouvoir d’exiger l’exclusivité temporaire du hardware le plus récent auprès de ses fournisseurs, limite en cela la réactivité de la concurrence. Les constructeurs chinois à l’affut, accusent toujours un retard, mais intègrent le moindre progrès technologique dans leurs nouvelles machines. Conséquemment, le marché est inondé en permanence de nouveaux modèles à peine différents des précédents, leur design sacrifié pour le débit de la production, la fréquence des renouvellements. Faute d’identité et de réelle logistique de com, les industries chinoises se mènent une guerre sans pitié – jusque dans les points de ventes.
Dans les malls, les boutiques s’empilent à faire peur sur de très grandes superficies, et vendent toutes la même chose exactement. On a le choix entre du cheap de style stalinien, ou le bling-bling le plus ostensible, dont raffolent par ailleurs les chinois. Des blocs téléviseurs sans design aucun pour jouer le vraiment pas cher, ou des modèles criards disco tout sauf discrets. Des ordis massifs carrés, ou des machines tuning vraiment clinquantes, pour arriver à se faire voir dans le capharnaüm impossible des grandes galeries.
Pour appâter le client, on le palpe, on l’appelle, on l’accroche, et on lui balance les trois mots d’anglais qu’on a appris. Pour le reste c’est pas grave, l’important c’est l’amorce. L’ambiance est vraiment torride, sauvage. La première fois que je me suis rendu dans un de ces lieux de perdition, j’ai fui tous les vendeurs qui essayaient de m’agripper. Jusqu’au 5e étage en 4e vitesse. Après un moment j’ai trouvé une vendeuse – une employée qui en avait rien à foutre de moi ou de vendre quoi que ce soit. Elle s’était calée dans son coin, je l’emmerdais presque. Je lui ai tout pris, j’ai même pas négocié.
Je savais pourtant que j’achetais de la camelote de chez nous, au tarif européen. N’oublions pas pour parfaire le tableau que la plupart des produits occidentaux vendus en Chine sont adaptés au marché Asie. C’est-à-dire qu’un même modèle vendu ici, ses composants seront globalement de moins bonne qualité – des versions bas de gamme adaptées aux besoins plus humbles des petits chinois.
En conclusion, tout cela est en train de changer. Apple a consenti des augmentations à ses employés en Chine. Combien de temps encore demeureront-ils compétitifs en ces termes ? La Chine opère une transition en essayant de devenir un acteur de premier ordre des marchés internationaux. Dernièrement, Lenovo devançait Dell, à la place de premier constructeur mondial de matériel informatique. Après la reconnaissance, la phase suivante se devrait d’être celle de l’innovation. Que nous réserve de neuf le vieil empire ? À suivre.
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